Le coup de cœur de Pauline

En finir avec Eddy Belle­gueule, d’Edouard Louis 

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     Ce récit auto­bio­gra­phique écrit par un jeune homme de 21 ans jette un regard ironique et doulou­reux sur l’en­vi­ron­ne­ment dans lequel il a grandi, un village de Picar­die et ses habi­tants ; un univers into­lé­rable et into­lé­rant qu’il s’est empressé de quit­ter dès le lycée. Il y subit des humi­lia­tions constantes, de la part de ses cama­rades de classe comme de sa propre famille, pour être diffé­rent, pour être effé­miné et parce qu’ils soupçonnent ce qu’ils ne nomment jamais – son homo­sexua­lité. Au point qu’il essaie de toutes ses forces de se chan­ger : « aujourd’­hui je serai un dur » se dit-il tous les jours devant le miroir comme une formule magique qu’il conju­re­rait (en vain) pour faire se réali­ser son vœu. 

      De cette enfance plus que doulou­reuse, l’au­teur ne fait pas un drame, il fait des portraits, de son alter-ego Eddy Belle­gueule comme des membres de sa famille et de son entou­rage, des portraits complexes et non sans ambi­guï­tés, ce qui fait la force du livre. 

      Ce qui fait sa force aussi, c’est cette écri­ture qui mêle dans le texte le parlé des person­nages, simple­ment mis en italique au fil de la narra­tion, ce qui donne un côté théâ­tral et très vivant aux scènes et aux person­nages décrits. 

     Ce court roman qui se lit très vite laisse néan­moins une impres­sion qui dure et invite à la réflexion sur sa propre enfance. 

     Une cita­tion comme amuse-bouche : 

       « [Ma grand-mère] m’a proposé quelque chose à boire et j’ai accepté. Elle m’a tendu un verre sale. Je suis resté silen­cieux, n’osant rien dire. J’ai pris le verre dans lequel elle a versé un sirop de fraise. Elle est allée jusque dans la cuisine où elle a rincé une petite bouteille de lessive vide avant de la remplir d’eau. J’ai compris qu’elle allait s’en servir de carafe. Malgré mon dégoût, je n’ai toujours rien dit et je l’ai lais­sée verser de l’eau dans mon verre, horri­fié par les parti­cules de lessive qui s’y trou­vaient. Pendant deux heures je l’ai inter­ro­gée sur notre famille sans toucher à mon verre. Elle jetait dessus des petits regards furtifs et inter­ro­ga­teurs. »

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